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  • Photo du rédacteurCristina Moscini

Si vous payez l’cognac

Dernière mise à jour : 14 févr. 2021


Illustration par @Ponkart


J’ai essayé récemment de me souvenir de quelle a été ma pire brosse. Après moult réflexion, j’ai pas été capable de mettre le doigt sur le dessus de tête dans ‘bol le plusse pire. (Dictionnaire Boom Desjardins)


Je sais pas si on mythifie un fameux point culminant qui amène la soûlonne en état d’éveil. Ce moment lorsqu’on reçoit cet appel de la sobriété, tel un rayon pâle qui perce sous la porte des chiottes du bar où on est en train de copieusement dégueuler. J’ai écouté religieusement la boisson ardente comme on écoute le Buisson ardent (personnage d’un livre populaire) pendant tellement d’années, que les multiples gifles au foie et à l’âme n’ont pas été des messages assez forts individuellement pour se garnir du titre de l’ultime fond de baril. Je buvais comme on tète la fiole d’un remède miracle. Malgré les preuves de la nocivité très concrète sur ma santé et ma réputation qui se désagrégeaient, je demeurais persuadée que de boire à outrance était ma meilleure option, que ça faisait ressortir le meilleur en moi. J’avais foi. Comme une lépreuse effritée qui s’inscrit au Spartan Race.


J’ai dû cesser de boire par épuisement professionnel de ma carrière de buveuse. Burnout ? More like drank-out. Je les ai enfin toute bues. Pu cap. J’ai pogné mon cut-off.


C’est donc plus une culmination de tous ces moments disgracieux, douloureux, épuisants qui m’a enfin donné la force de farmer la switch. Car j’étais misérable. Et j’étais devenue enfin capable de me l’avouer.


Y a un bout de clé là-dedans : S’en rendre-compte, se l’avouer, et vouloir changer.

Autrement, l’alcoolique qui arrête pour sauver sa famille ou son travail est peut-être plus à risque de recommencer si dans ses raisons, il n’arrête pas pour soi.

« J’ai encore abandonné mon petit Billy Bob sur le bord de l’autoroute en conduisant ben chaud parce qu’il braillait, faudrait ben maintenant que je lui montre un peu que j’essaie d’arrêter. »


On ne combat pas la dépendance pour vouloir faire patte blanche.


Je ne crois pas non plus qu’il soit possible ou souhaitable d’effacer l’ardoise de nos mauvais coups, nos mauvais choix, nos mauvaises actions. Si on veut guérir, si on veut réparer le mal fait, je suis encline à la laminer cette damnée ardoise, et la montrer à titre d’exemple. Regardez comment j’étais trou-de-cuse ! S’en servir comme point de départ pour bâtir un meilleur humain qu’on l’a été, à travers nos destructions, où il serait naïf de penser, qui se font sans dommages collatéraux sur nos voisins, amis, collègues, clients, entourage et être aimés. Et après nos bordels intérieurs qui ont tant débordés, passer le balai, ramasser les vides, passer un bon coup de moppe, frotter notre marde est beaucoup plus long et pénible que de mettre un drap par-dessus le tout et enjoindre les gens à oublier.


« Si je ne m’en rappelle pas, les autres doivent avoir oublié aussi. Si je ne m’en rappelle pas, je n’ai pas à m’excuser. »


Se tenir responsable est une étape qui peut être humiliante à prime abord, mais qui fait vraiment du bien une fois qu’on le fait. Ça passe la laine d’acier dans le corps. Ça grafigne pour notre bien, avec pas ben ben de mousse. Ça fait grandir d’en-dedans, ça encourage les autres à nous redonner confiance. On ne sauve personne à tenter de se blanchir, de romantiser nos excès, à leur chercher tel un archéologue une source et origine autre que soi-même. En faisant ça, on n’apprend pas, et on tait la douleur qu’on a causée aux autres en agissant comme on l’a fait. Ce serait comme leur faire du mal deux fois. Une fois paqueté, puis une fois débrossé, avec le nez rouge d’un clown et l’honnêteté d’un politicien. Aussi, c’est difficile de sympathiser avec l’égo mal placé de quelqu’un qu’on voit si souvent faire un fou de lui.

« Non, Hortense, tu ne comprends pas ! Quand tu dis que j’ai scrappé Noël en crissant la perruche familiale dans le malaxeur, c’est la boisson qui faisait ça. Si t’es fâchée, prière d’envoyer vos doléances chez Molson Coors. »


C’est pas joli vivre avec une dépendance. C’est pas joli vivre tout court. C’est dur, chacun vient avec son bagage, et c’est vrai que c’est injuste. Mais comme disait Plume dans un tout autre sens, faut être ben ouvert aux commentaires, même si personne vous payera de cognac. Plait-il ?


En ce sens, rester attentif à qui on blesse, qui on laisse tomber, dans nos galères galvanisées. Chercher l’intention dans notre vieux cœur déchu, et, peut-être qu’à la somme de tout ça, on entendra à travers notre vacarme, une voix pour nous sauver d’une vie de douleurs. Cette voix-là, pour qu’on s’y accroche, ce sera pas le constable Boucher, ce sera pas môman, ni le patron, ni Ronnie James Dio, ce sera nous-même. (Honnnnnn !) Quétaine as fuck, mais calvaire, c’est ça pareil.


*


Bonus : Pour moi, le cadeau est venu en arrêtant de boire et de consommer complètement. Personne n’avait pris le soin de m’expliquer que vivre avec la sobriété allait être aussi plaisant. Je me dois de prendre le temps de marquer l’immense différence avec le « comment on se sent quand on boit pas quelques jours » versus « comment on se sent une fois que l’alcool et la période de sevrage sont sortis de notre corps ». Y’a une différence énorme. Dans le premier, j’étais grognonne et impatiente de pouvoir recommencer à boire, dans le second, je me façonne tranquillement une vie où j’ai pas envie de rater de moments avec mes comas éthyliques.


Une enfilade de temps que j’aimerais enfin ne pas oublier.


Ça fait changement.







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