J'ai jamais eu autant de regrets que quand je buvais.
J'avais autant de rêves que j'ai maintenant à jeun, mais je ne m'autorisais pas à même juste penser que du plus beau ou du plus doux pouvait être dans les cartes pour moi.
Je pensais comme ça avant pour une multitude de raisons et de facteurs, mais les plus vibrants de pertinence sont entre autres le fait que je n'étais plus digne de confiance envers moi-même. Je moffais mes engagements, de plus en plus souvent, à cause que je partais me soûler, tout le temps.
Un show dans lequel j'avais travaillé toute l'année arrive enfin et je dois y performer. Soûle. Une nouvelle job dans laquelle je commence juste à être à l'aise. Soûle. Une date limite pour une inscription, un concours, un micro ouvert, une fenêtre, une opportunité qui aurait pu, que j'aurais dû. Soûle.
L'amertume grandissait en moi plus j'avançais en âge et que je me voyais de haut comme dans un rêve, cimentée aux mêmes comptoirs, à radoter schlinguant comme un vinier, comment on pourrait refaire le monde, et ma contribution c'était de boire encore jusqu'à en dégueuler, des rires gras mais du silence lourd dans l'intimité de ma tête avinée, tragique poivrote sous les enseignes aux néons du quartier.
Cette amertume s'estompe dans la sobriété.
C'est une chose à laquelle on ne s'attend pas en arrêtant de boire. On est prêt au compromis de vivre sans, car vivre avec est devenu insupportable, mais on ne s'attend pas de vivre avec... plus.
Plus d'énergie, plus de perspective, plus d'espoir, l'envie de faire du ménage dans notre vie, se faire un inventaire d'égo, se regarder dans le miroir de l'âme. C'est la meilleure chose qui peut arriver.
Soudain, les j'aurais pu, j'aurais dû deviennent des j'pourrais p'têtre et des on l'saura pas si on essaie pas. Chaque jour amène une confiance nouvelle d'essayer différemment d'atteindre un but qu'on se fixe, une tite crisse de montagne personnelle à gravir. Pour le fun, rienque pour checker si. Si jamais.
On n'a plus aussi peur de perdre parce qu'on sait qu'on peut compter sur soi-même, peu importe ce qui arrivera. Et c'est d'une nouveauté bien plaisante.
Je viens d'écrire une nouvelle pièce avec un personnage qui exprime cette peur qu'on peut avoir, en tant qu'alcoolique, de ce qu'on pourrait devenir si on ne se corrige pas le tir. Ou ce qu'on pourrait être devenu, si on ne s'est pas retenu. Le récit d'une artiste québécoise oubliée qui s'accroche à une chance de revivre le temps d'une entrevue avant qu'il ne soit trop tard, mais qui se demande si ce sera trop peu... La fameuse Femme-Québec est l'histoire de ces rêves mis de côté, qui attendent juste, pourtant, de revivre. Une étoile aux lueurs vacillantes, éteintes.
Ce temps qui passe est une brassée de cartes qui se rejoue chaque jour qui nous est donné.
Si vous êtes en début de sobriété, soyez certains que le plus beau continue d'arriver.
Et si vous faites erien cet automne, La fameuse Femme-Québec sera jouée au Théâtre La Bordée à Québec, dans une mise en scène de Nancy Bernier, avec Lise Castonguay, Ariel Charest (l'aimée ben paquetée) et Jérémie Michaud, du 29 octobre au 23 novembre.