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Photo du rédacteurCristina Moscini

Le Courrier du Foie

Dernière mise à jour : 21 janv.



Pour cette première édition de Courrier du Foie, j’ai posé la question suivante sur le groupe Facebook Wassobre, une communauté de gens qui sont soit devenus sobres, ou qui s’intéressent à la sobriété, je leur ai demandé ouvertement :

Qu’est-ce que vous aimeriez qui soit discuté davantage sur la sobriété, ou quelles questions on vous pose souvent ?

Je ne peux parler que de mon expérience de buveuse, et des témoignages ou lectures que j’ai accumulé, alors, bien évidemment, j’encourage vraiment à consulter des experts ou intervenants, pour tout souci important. Mais, voilà, ici, tout le monde est bienvenu, et c’est gratis.

*


Comment affronter la peur du jugement des autres lorsqu’on arrête de consommer ?

- Rémi


Souvent, si on boit énormément, nos amis aussi, boivent énormément. Ou s’ils ne sont pas nos amis, on va finir par chercher la compagnie de ceusses qui peuvent nous suivre. Alors quand vient le temps de mettre un stop à notre consommation, c’est fort possible que quand on se met à regarder autour de nous, on sera tressé dans un nœud de consommateurs fêtards, même possiblement dépendants eux aussi, qui peuvent bien se désintéresser de notre bien-être personnel. Et, difficilement possible d’en vouloir aux autres : Nous ne sommes la responsabilité de personne. Nous sommes notre propre « Adulte responsable », ainsi, nous sommes bien platement l’unique maître de nos décisions, les pires comme les meilleures. Alors, notre premier « Non merci, je bois pu » ne sera peut-être pas accueilli la première fois avec toute l’allégresse et l’extase encourageante qu’on pourrait imaginer. Mais, c’est là qu’il faut mettre nos culottes de Ta mort, ma vie, et faire une des choses les plus difficiles de notre existence de dépendant : Se choisir en premier.


Se choisir. Car jusqu’à votre mort, qu'elle soit d’une cirrhose anonyme dans un ravin ou d'un complot du gouvernement après votre huitième prix Nobel, vous serez la seule personne à subir vos gueules de bois, vous serez la seule personne à perdre votre job, votre partenaire, vos occasions de rêve; vous serez la seule personne à souffrir toutes les conséquences directes de vos actes. Alors le « Enweye donc, juste un verre » pèse soudainement moins lourd dans la balance quand on se met à penser à tout le reste en-dehors de la boisson. Car on a le droit d’aspirer à lever définitivement nos coudes du comptoir bar.

Rappelez-vous qu’à chaque fois que vous flanchez pour faire plaisir, vous prenez un pas de reculons vers toute la liberté qui vous attend.

Et pour ce qui est des trucs faciles, ayez toujours quelque chose à boire sans alcool. De l’eau, du kombucha, un jus vert, du café, un 2L de Ginger Ale. Moi, j’ai tout le temps deux verres devant moi quand je sors au resto ou au bar avec des amis buveurs. C’est comme une barricade de liquides que j’érige autour de moi, ça me garde les mains occupées, et c’est un hommage, un peu, à la soûlonne que j’étais, qui se clanchait toujours une bouteille de vin plus un gin tonic double on the side en même temps. Double-fistez les verres, mais sans alcool. Buvez de l’eau, vous irez la pisser, et aller pisser, c’est l’équivalent d’un time out pendant une game sportive. (Genre le hockey ou quelque chose… moins ma talle ici.)



Qu’est-ce que tu préparerais mieux pour entamer ta sobriété ?

- Isabelle


Devenir sobre, ça brasse. Ça brasse le corps, ça brasse le cerveau, ça brasse les émotions. Le corps vit un sevrage dans les premiers jours et premières semaines. C’est violent. Ça se fait, ça se vit, mais c’est violent. Par exemple, je me suis mis à pleurer souvent dans les premières semaines, une chose que je n’avais pas fait depuis des années, étant habituée d’engourdir de liquides tous mes tracas ou troubles d'humeur. Je n’étais plus habituée de « ressentir » quoi que ce soit. Et c’est pas négatif de pleurer. Il faut désapprendre que brailler, c’est faible. Au contraire, c’est par les larmes que le mal sort, je crois bien. Ça fait guérir, le poison s’échappe. Pis, souvent, 90 secondes après, l’émotion est passée. Alors au lieu de feeler tout croche pendant 3-4 jours de ne pas vouloir vivre ce sentiment, tu le pisses par les yeux et t’en as fini après une minute et demi. Ou, si t’en finis pas, tu le vois plus clair et ça te fait pu aussi mal. Win-win. Préparez-vous à (re)devenir émotionnellement émotif ou tive ou stive. Juré.


Aussi, attends-toi à faire des rêves bizarres. Man. Le monde onirique du nouveau sobre, ça, j’en ferais un article complet, mais en attendant, dis-toi que c’est normal que tu te mettes à rêver comme tu n’as jamais rêvé. Mais sais-tu quoi ? Rêver c’est signe que tu dors, et que tu dors des nuits complètes, de sommeil ! Capoté, han ? Arrêter de boire, c’est arrêter de se réveiller en sueur dans la nuit avec des crises d’anxiété et le cœur qui débat. C’est beau en esti.


Alors, comment entamer sa sobriété, 3 conseils rapides : 1. Télécharge l’application gratuite I Am Sober sur ton téléphone, tu vas voir, ça aide. 2. Rejoins des communautés en ligne (je recommande Wassobre). 3. Viens lire, icitte, de temps en temps, les textes sous l’onglet Boisson. Ça fait depuis 2020 que je radote toutes les étapes étranges mais très communes qu’il y a dans l’arrêtage de boire !


Comment faire taire la petite voix démoniaque qui essaie de nous dissuader de rester sobre ?

- Jean-Michel


Cette petite crisse de voix-là, elle existe, et, elle s’estompe, avec le temps. Je ne peux pas dire si elle sera là encore dans dix ans, mais pour ma part, c’est comme si elle est encore là, mais au lieu de me crier après de façon claire en CAPS LOCK, elle murmure de plus en plus loin, avec de moins en moins de vigueur. J’ai aussi appris à jouer un tour à mon cerveau en créant mentalement un nemesis à ma petite crisse de voix; à chaque fois où une pensée de tout' croche prenait forme dans mon esprit pour me dire d’abandonner ma quête de sobriété et d’aller me soûler sous un pont en branlant des clochards pour une gloue dans leur sac en papier brun, j’ai sous-traité avec une voix de santé qui dit Fuck off à l’autre et qui me garde sur un genre de droit chemin. Si on est assez ratoureux pour se permettre d’entendre une voix qui nous suggère de mal faire, qu’est-ce qui nous empêche de créer une autre voix pour nous convaincre de botter le cul sale à l’autre ? C’est pas de la schizophrénie si on est au courant de qui gère toutes ces voix. C’eSt po F0u sI jEl sAiS quE cHU pAs foU. Promis.


Comment garder notre motivation ?

- Dany


Encore ici, étant dans ma jeune sobriété, c’est encore tout frais pour moi. Je vis encore des « premières fois à jeun ». Mon tour de piste humain n’est pas encore fait. Après avoir consommé pendant 20 ans, il y a des habitudes encore à défaire, à désapprendre, alors je ne me lasse pas, je suis encore dans le bâtissage de la personne que je voudrais être. À rénover le bois et les planches pourries de mon cœur magané. Mais j’accueille le tout avec la gratitude. Se dire merci. Dire merci à l’alentour. Prendre le temps de remarquer ceusses qui nous aident, compter ce qu’on a de gagné, depuis notre décision. C’est une chance et une force immense de s’être choisi, de s’avouer vulnérable. Et il faut travailler notre patience. En dépendant, on s’est conditionné à la gratification immédiate, l’engourdissement spontané. En étant sobre, c’est parfois devoir s’assire dans l’inconfortable, avec des hauts, des bas, des moyens, des tièdes, des incertains. Mais, christie, c’est un peu pas mal ça, l’expérience humaine, non ?

Pourquoi c’est faire qu’on vit après tout, si ce n’est d’expérimenter ces marées d’épreuves, de grâce, de progrès, de leçons, si ce n’est de travailler l’amour qu’on peut se donner, pour pouvoir le transformer en quelque chose qui se multiplie, qui se communique aux autres ?

L’indulgence, envers soi, les autres. La liberté de se rebâtir autrement, ailleurs, rompre nos chaînes. C’est le travail d’une vie. Ce qu’on veut qui dure longtemps, prend du temps.



Bon courage, et bon janvier, et merci pour les questions !


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