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  • Photo du rédacteurCristina Moscini

Le limbo de la limerence



Quand on devient sobre, notre comportement devient éclairé par la lampe de poche de la lucidité, et avec résultat, donne de moins en moins d’espace aux coquerelles pour se cacher dans notre tête en voie de guérison.


Je me fais un devoir depuis 22 mois d’ouvrir le capot de ma dépendance et de regarder sans filtre la laideur ordinaire de mes vices, de leur chercher origine, puis, avec un peu de chance, leur trouver solution.


On débat encore à savoir si l’alcoolisme est une maladie, si c’est génétique, si c’est l’environnement qui peut amplifier les risques de tomber, le type d’enfance; tous les facteurs y passent et méritent, franchement, d’être médités.


Un comportement collatéral à la dépendance, à part celui de consommer, est observable dans les relations de dépendants et pour lequel je n’ai que récemment découvert le thème, la ‘limerence’.

La limerence est un état d'esprit qui résulte d'une attirance romantique pour une autre personne et qui comprend généralement des pensées obsessionnelles et un désir de mener une relation avec l'objet de son amour, et de voir ses sentiments devenir réciproques. Wishing and waiting comme pour une machine à sous, qui va fenir par payer, la crisse.


Genre de flasher sur une personne sur laquelle on bâtit une projection qui sera pesante de toute la valeur qu’on voudrait se trouver enfin. « Si je gagne l’amour de ce Pierre-Paul particulier ou de cette Ursula qui se fiche un peu de moi, c’est que je suis sans équivoque quelqu’un qui mérite d’être aimé, désiré ».


Je le vois comme un désir de conquête ou de validation qui est ou sera, inévitablement, voué à l’échec. J’ai vu des amis le vivre, je l’ai vécu, et observé dans des témoignages dans la communauté des dépendants.


J’y vois les liens avec l’alcool dans cette poursuite qui est en fait une fuite vers l’irréel. Une fantaisie bâtie sur l’idée qu’on n’y vivra pas d’inconfort, parce qu’elle ne sera jamais communément consommée, cette relation. Un échappement à ce qui serait une relation saine et réciproque pour courir vers ce qui risque de nous abandonner, nous dévaloir, nous abaisser. Intéressant, si on considère qu’une personne dépendante sera attirée vers les substances très tôt - souvent - pour échapper aux traumatismes ou à la négligence de son enfance. Les schémas émotionnels où on sera invariablement délaissé, affamé, sont donc, très familiers. Et, hélas, très attirants.


« Une fois que j’aurai convaincu cette personne de me donner ce qui me manque, je ne serai plus jamais carencé ! » dit-il, au lieu de cultiver son jardin personnel…

Comme si on avait le choix entre manger une sanouitche à la marde, et une sanouitche surprise. « Oui, mais au moins, la sanouitche à ‘marde, je sais que j’en aurai fini après huit bouchées, qui sait ce qui se trouve dans la sanouitche surprise ? »


Ce raisonnement analogique très fin (merci beaucoup) nous mettrait donc en position très risquée de choisir volontairement ce qui est à l’encontre de notre développement personnel « parce que ça pue comme chez nous ». La peur de l’inconnu est plus grande que la peur d’être prisonnier de nos propres limitations.


La limerence est dans accepter des comportements du moindre effort et de subsister dans une relation où il y a par exemple peu de réciprocité, peu de réponses, peu de clarté, sans jamais oser poser trop de questions, sans poser nos limites, de peur d’effrayer et de faire fuir l’autre et de se retrouver, comme on l’a probablement été dès l’enfance, abandonné.


Et quand l’abandon survient, parce qu’il surviendra, encore, on se dira qu’en mettant encore moins de limites la prochaine fois, on le gagnera notre Jean-Guy : maybe this time, i’ll be lucky, maybe this time he’ll stay, chantait Liza Minelli.


Et c’est là le danger de ce gambling contre nous-même. Ce limbo de la limerence, où on baisse la barre, encore, encore et encore, à s’en frotter le dos sur le plancher sale, et de se faire croire que ça passe encore, alors qu’une personne équilibrée non-dépendante aurait jeté l’éponge il y a longtemps. C’est dans échanger 50$ pour n’en recevoir que 25$*, c’est dans la honte d’accepter les comportements abusifs, irrespectueux, même fourbes.

[*J'abordais l'attachement anxieux dans un texte ici.]

...Limbo comme limbes aussi, en anglais. Un univers où ne sait jamais, où on ne se trouvera jamais, mais, bizarrement, dans lequel on se reconnaît, alors on répète, on y revient, on le recherche, même.


Certes pas une professionnelle des relations, ni de la dépendance, ces billets de blogue ici ne tiennent que sur des observations, des lectures, puis mon propre parcours des dernières trente quelques années. Mais si y a une invariable donnée, c’est qu’y a pas pire rêveur qu’un alcoolique. Un échappeuré de réalité professionnel, tiens.


En gros, ça force à se questionner sur l'idée de qui on laissera entrer dans notre vie, et de ne pas partir en quête de des ceusses. Ne pas courir sur un ventre vide. Surtout en début de sobriété.

Et souvent, finalement, devenir sobre, c’est se réveiller et se rendre compte que le chaud nuage sur lequel on croyait dormir était en fait un matelas plein de pisse de chats errants dans l’allée... Lampe de poche. Perspective. On ne peut pas guérir de ce qu’on ne peut pas nommer, voir… ou sentir.


Il y a la chaîne Crappy Childhood Fairy sur YouTube, qui fait des corrélations souvent, entre les personnes alcooliques ou les enfants d’alcooliques, et les patterns intéressants que ça donne en relation. En anglais, mais c’est gratis.



Bonne chance !

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