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Photo du rédacteurCristina Moscini

Les 13e étapeurs

Dernière mise à jour : 23 mai


13e étapeur : [de l’anglais 13th stepper] n.m. Identifie un individu, une personne, passée par le système des rencontres Narcotiques Anonymes ou Alcooliques Anonymes qui utilise son statut d’ancien pour exercer une ou des formes de prédation et/ou d’abus sur une nouvelle personne recrue, en début de sobriété. Leur but serait de profiter de l’état vulnérable d’une personne dépendante avec peu d’expérience en sobriété pour instaurer des comportements transgressifs, masqués derrière un mentorat factice.


Des sales, bref. Très déçue d’apprendre que ça existe au point qu’il y en ait un nom crée que pour les nommer.


D’où ça vient...

Je retrouve pas le 'meme' exact, mais en gros c'est des photos tirées de la récente campagne de mode streetstyle de Jerry Seinfeld qui lui donnerait des airs de 'cool', que certains ont associé à un air de "gars qui se tient dans les rassemblements NA pour donner du support exclusivement aux femmes de 22 ans qui ont 7 jours de sobriété" (𝑗𝑒 𝑡𝑟𝑎𝑑𝑢𝑖𝑠 𝑑𝑒 𝑙'𝑎𝑛𝑔𝑙𝑎𝑖𝑠).


𝐂̧𝐚 𝐦'𝐚 𝐚𝐦𝐞𝐧𝐞́ 𝐝𝐞𝐬 𝐪𝐮𝐞𝐬𝐭𝐢𝐨𝐧𝐬 que j’ai posé à un groupe de personnes qui ont arrêté de consommer :


Avez-vous déjà été témoin de tel type de prédation; quelqu'un en sobriété plus avancée qui se servirait de son statut pour approcher une personne plus vulnérable en début de rétablissement ?


Avez-vous déjà vécu quelque chose de semblable ?


Avez-vous déjà dépassé les limites ou prétendu vouloir aider quelqu'un en rétablissement en souhaitant plutôt vivre des rapprochements ?



J’ai reçu quelques témoignages que je partage ici, de façon anonyme.


Témoignage #1

« J’ai pas fait ben ben de meetings, mais j’ai trouvé un mentor de sobriété en-dehors même quelques semaines avant d’arrêter, c’était quelqu’un qui avait plusieurs années, qui avait déjà fait des conférences, qui savait ce qu’il faisait. Puis quand j’ai pris la décision d’arrêter, je le tenais au courant de mon suivi, 10 jours, 1 mois; j’étais fière, j’étais neuve, je franchissais des niveaux ! Jusque là, on avait une relation platonique, quelques messages échangés, des amis ou événements communs, si ce n’est du compliment ici et là qui se glissait temps en temps. Puis il me dit qu’il est en séparation, qu’il capote. Je trouve ça un peu étrange à la limite qu’il me partage ça comme on ne se connaît pas encore beaucoup, sur ces aspects-là, tsé, mais je me dis que s’il a ben eu la patience de m’écouter parler d’alcoolisme pis mon début de sobriété, je devrais bien rendre la pareille et être présente, pour pas me sentir cheap, tsé (rires)! La compassion se change en cruisage, plus vite que je ne l’aurais pensé. Trop vite.


Plus tard, j’allumerai que le terme, c’est « love bombing ». Il est pressé, le monsieur sobre, il me trouve donc merveilleuse et il y a urgence qu’on se rencontre, pour « ça ». Moi, j’y vois pas de mal même si ya une petite voix qui me dit que c’est trop vite, trop intense, que ça a l’air fake.

Mais aille, t’es au plus bas de ta vie, et ya un plus sage que toi qui a la générosité d’affirmer que tu mérites de vivre, que t’es pas trop dégueuse à regarder, sautez-vous dessus, tsé !

Alors ça fait que t’es là sur ton lit, à presque 4 mois de sobriété en train de te faire driller par un pressé à te demander comment tu t’es rendue là. Mais c’est ça qui est le fun avec les écoeurants, une fois qu’ils ont eu ce qu’ils voulaient, le masque tombe, on voit mieux les intentions réelles. Pis t’es vois pu… Avoir eu la force d'esprit que j’ai maintenant, c’est clair j’aurais pas fait cette erreur. Je me serais tenue loin des beaux-parleurs. »


Témoignage #2

« Oui, c'est vraiment désolant. C'est difficile de faire le tri entre les personnes pleines de bonne volonté et les dragueurs pis ben, ça devrait pas. On parle peut-être ici, pour certains, de transfert d'addictions, mais bon : ta prochaine flamme ne devrait pas être personne vulnérable, c'est wack. »



Témoignage #3

• J'ai pas fait beaucoup de meetings, mais y'avait ben des petits monsieurs avenants qui me laissaient leur numéro de téléphone. C'est une des raisons qui m'a pas donné envie de continuer d'aller aux réunions A.A.


• « La 13e étape » est très connue et répandue dans la communauté, et c'est une des raisons pour lesquelles on suggère d’avoir une non mixité dans le parrainage.


Quand je suis arrivée dans les fraternités anonymes, on m'a dit tout de suite que c'était les hommes avec les hommes et les femmes avec les femmes, pour l'échange de numéros de téléphone, le parrainage, etc. Malgré cela, deux mois plus tard, j'allais à mon premier congrès de NA et je connaissais personne, donc j'ai vite été accostée par un homme de 60 ans qui avait un peu de temps d'abstinence et 30 ans d'adhésion au mouvement. Après avoir mis au clair qu'on ne serait jamais rien d'autre que des amis, il a choisi de continuer de cheminer avec moi, non sans me signifier que lui se serait très bien vu en couple avec moi. Il reste que c'était dans ses intentions au départ, mais que je n'étais pas assez fragile pour sauter sur le premier homme qui ne m'intéresserait jamais normalement.


Rendue à 3 mois d'abstinence, j'ai eu ma « une fois au chalet ». J'ai accepté les avances d'un bad boy pas trop laid qui, maintenant je le sais, fait de la 13e étape en série. J'étais aussi dans le tort, je voulais un peu me venger de mon ex, mais rendu là j'ai réalisé que c'était pas bon pour moi, donc j'ai interrompu le coït et je suis partie. Poche mais j'étais encore maganée fraîche de mon ancienne vie et j'avais même averti le dude.

Après je me suis dit que même si y en a qui font du transfert là-dedans, il reste que ton bien-être est ta responsabilité et qu'entre adultes consentants, faut quand même se watcher. On essaie de protéger les nouvelles (on dit que les femmes le font avec les nouveaux, sûrement). À la base, c'est du monde très vulnérable qui regarde celui qui a plus de 6 mois d'abstinence comme un demi-dieu (le Dieu étant celui qui a un an, haha !).

Celui qui fait LA chose admirable que t'envies et que tu penses que tu seras jamais capable de faire [tenir le coup de la sobriété], c'est mieux qu'un gars qui a une BMW, qui est avocat ou VIP quelque part de cool.

Mais souvent, c'est du monde qui n'ont pas travaillé tous leurs comportements nuisibles, surtout pour eux-mêmes.


 

En résumage...


Comme dans bien des choses, je n’ai pas reçu de témoignages de personnes s’admettant avoir transgressé des rapports d’équilibre, qui s’avoueraient le maraudage de personnes vulnérables. Pourtant, on le sait quand on franchit une limite. Ça se garroche pas pour en parler, je me demande bien pourquoi...


Je vais insister sur le terme vulnérable.


Je suis présentement à deux ans et demi de sobriété. Ça veut dire que ça fait depuis 2020 que j’ai pas dégueulé, trop bu, fait de black out, engourdit mes sentiments dans des substances. Je dirais qu’aujourd’hui, je suis solide.


C’est pas nécessairement le cas les premières semaines, les premiers mois de sobriété. C’est rof, et c’est pour ça que beaucoup recommencent à boire après un certain temps.


M’a vous l’dire, en début de sobriété, on se sent comme un chat rasé, on se sent tu seul.e, on se sent perdu.e, y fait frette dans l’campe’.


N’importe qui qui arrive avec une illusion d’équilibre, d’expérience, d’autorité en la matière, a besoin d’être bien intentionné et ne pas essayer de vous sniffer le tour du cul.


Le message s’adresse aux nouveaux sobres : Si un ou une esti.e se montre insistant.e, pousse vos limites, vous rend ne serait-ce que 0.00000001% inconfortable = chaise électrique. Non, mais sérieusement, tenez-vous en loin. Il en existe des ressources et des communautés qui ne veulent pas vous sauter dessus et qui veulent votre bien.


Le message s’adresse maintenant aux 13e étapeurs : MES ESTIS D’CHIENS GALEUX DU CÂLICE, hahahah, ben non. Ben non. Mais pour vrai, voici mon vrai message : Il est certes possible que vous souffrez d’un trouble affectif relié à votre dépendance, c’est très poche, c’est vrai. C’est aussi vrai que c’est absolument pas votre passeport pour abuser de la naïveté, de la vulnérabilité, du manque d’estime d’un autre dépendant. Vous êtes l’unique responsable de votre malheur, et uniquement vous-même pouvez-vous sauver. S’il vous démange de poursuivre des relations transgressantes où l’équilibre est toujours à votre avantage, rendez-vous service et allez consulter au plus sacrant, et ayez l’humilité de reconnaître que vous agissez comme un.e sale. Dernier conseil : N’approchez personne, laissez les autres venir à vous, en confiance, dans le respect mutuel et consentant. Si aucun de ces conseils ne vous tente et que vous désirez tout de même poursuivre ce pattern abusif : passez votre chemin la prochaine fois, ce blogue n’est pas pour vous.


Beware of the 13th steppers...

Ce texte-ci bas en lien, important, (en anglais) résume ici le malheureux phénomène : https://rehabs.com/blog/a-cautionary-tale-beware-of-the-13th-steppers/




Merci aux personnes ayant contribué à cet article avec leur témoignage.


 

À tous, merci ! Joyeux octobre ! En se souhaitant du plus léger, et de l’optimisme dans le futur.

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