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  • Photo du rédacteurCristina Moscini

Courrier du Foie – Mars


Chaque mois, je réponds aux questions concernant le cheminement à travers la sobriété ou entourant l’alcoolisme, du mieux de ma perspective de sobre ! Suivez-moi sur Instagram et Facebook pour suivre les prochains sujets.



« Qu’est-ce que je peux répondre quand on me demande pourquoi j’ai arrêté de boire ? »



Ahhh ! La fameuse question dont on redoute en pensant même arrêter de consommer. Qu’est-ce que je va’ dire ? Est-ce qu’on nous le demande tant que ça ? Ça dépend vraiment, de plusieurs facteurs. De votre environnement et son degré de ‘festivité’, de vos habitudes d’alors, de si vos amis vous aiment vraiment…


Je rigole un peu. Mais en vérité, le choix d’arrêter de consommer, on le sait, on le dit, ça doit être fait pour soi. On ne peut accomplir à long terme avec succès selon moi la sobriété si on arrête pour Pierre-Paul, pour une job, pour X facteur à part celui de vouloir se guérir. Une fois qu’on a compris ça, on se sent moins mal de répondre platement « Parce que ». J’ai arrêté parce que. Parce que quoi ? Rendu là, libre à chacun de vouloir crisser un malaise ou non, de faire une petite joke, de s’embarquer dans un monologue qui part des Mésopotamiens jusqu’à votre dernière brosse où vous avez enfin atteint le fond du baril.


Les gens qui vous connaissent et qui vous aiment sincèrement vont vous sacrer patience assez vite. Les autres, pas qu’ils veulent nécessairement mal faire, mais beaucoup de connaissances ou d’inconnus croisés dans des situations sociales peuvent se sentir menacés par rapport à leur propre consommation. Ça m’est arrivé aussi quand moi je buvais ! « Si toi t’arrêtes de boire qui boit moins que moi, qu’est-ce que tu vas penser ou alors dire sur moi qui a présentement la gueule et les dents mauves de chianti ? » C’est naturel de se sentir de même, voyez avec compassion les gens qui sont réactifs à votre décision, et rappelez-vous que ce n’est pas à propos de vous; c’est à propos d’eux-mêmes. On pense tous à soi. Profitons-en pour se regarder, et essayer de devenir meilleur, en se crissant un peu de ce que les autres font de leur 5@7 comme de leur vie personnelle.

Alors, quoi répondre ?


Ayant maintenant tout affirmé ce que je viens de dire, je dois dire que je suis personnellement une grande fervente du simple et court "Parce que". Let's change things, move it around. Mettez les autres mal à l'aise, pour changer. Pourquoi ce serait tout le temps au sobre de se justifier ? Relancez right back la patate chaude dans leur camp : Pourquoi TU bois ? Haha. Me semble voir les faces du monde. Au fond, rien n'est bien dramatique, et 'faut pas s'inventer une fausse pudeur, après tout : vous êtes un.e alcoolique, votre integrité est disparue aussi vite que la fois vous avez vomi dans la casquette d'un DJ au Rockfest.

Je ne bois plus parce que je suis un.e alcoolique. Essayez-lé. Je parie un vieux deux qu'on vous sacrera patience.


 


« Comment on vit à travers son deuil de consommation ? »



Yes. Oui. Le deuil. C’est vrai. C’est une vraie chose : le deuil de la substance. Pour avoir conversé avec plusieurs sobres, il y a une rupture à vivre avec la consommation qui se compare au deuil, ou à un break-up. [Lire Bouteille en break-up]


Au début surtout. Et même après des mois, une forme de nostalgie peut revenir, mais, heureusement, toujours de moins en moins vive. Je me suis sentie en rupture amoureuse les premières semaines de sobriété, ou devrais-je plutôt dire de sevrage. C’est comme si on m’avait coupé un membre. Je me retrouvais amputée de mes habitudes, de ce que j’aimais le plus au monde : me soûler. Au monde ! Y a rien qui ne m’apportait plus de confort que ça : boire. Pas un coucher de soleil, pas le printemps, pas un orgasme, pas de gagner à la loterie, rien de mieux que d’être buzzée, à toute heure de la journée.


Et notez ici que je dis confort, car dans mes vingt années de beuveries, je croyais que c’était ça, le bonheur : s’enfirouaper d’une couverture qui pue partout où on va. Mais ça prend la lucidité de la sobriété pour avoir le recul et la reprise de pouvoir sur nos émotions, pour goûter la différence, d’une vraie joie, d’un vrai bonheur. Ce que j’appelais bonheur était de se camoufler, d’engourdir à grosses gorgées toute émotion. Parce que je détestais ma vie si je n’étais pas soûle raide. Une fois paquetée, ma vie n’était pas mieux, mais ça ne me faisait plus rien. Grosse différence.


Alors, comment est-ce que donc qu'on fa' ?


En se laissant le droit d'être triste.

En s'avouant délaissé.e. C'est pas ridicule, quelqu'un qui veut guérir qui dit par où ya mal.

En en parlant, comme on parle d'un ex à nos proches, parlez-en, de la boisson, à vos amis, à votre famille si vous en avez, à votre psy (ça vaut le coup d'investir 2-3 visites, le même prix que 2-3 brosses), dans des communautés de sobriété (gratuites).

Exprimez-vous le mal. C'est mieux dehors qu'en-dedans, tant qu'à moi.

En lisant Drinking : A love story de Caroline Knapp (livre en anglais). Je vous laisse googler ça, ça se commande soit en ligne, soit via votre librairie préférée. C'est le témoignage d'une journaliste alcoolique cool qui vit à New York dans les années '90. Ça fait penser à l'écriture de Candace Bushnell qui a écrit Sex and the City, sauf qu'y a moins de sexe et ben plus de boisson. J'ai aimé ce livre-là parce que c'est encore rare de la plume féminine qui parle d'alcoolisme à la première personne (je fais mon christie de mieux mais, han), et que surtout Caroline Knapp décrit vraiment bien la relation d'amour qu'il y a avec la substance. Il y a un passage où elle décrit le rituel de déboucher une bouteille de vin, le son du liège qui poppe, le liquide qui gallonne dans la coupe. Je m'y reconnaissais mot pour mot, c'était effrayant. Et c'est là que je me suis rendue compte que je n'étais pas rare pantoute. Cette cérémonie-là du boire, qui nous manque cruellement au début.

Et pourtant...


On en revient de cette funéraille maudite de la boisson. Parce que si c'est tentant de romantiser les beaux côtés, c'est aussi une bataille qu'on ne va jamais gagner. Si je bois, je n'aurai jamais juste 'pu soif', ça n'existe pas du 'juste assez'. Y a pas une mélodie de cabernet versé assez jolie pour me faire oublier les enfers et les tourments qui viennent avec les excès, l'autodestruction.



Alors oui, un deuil, comme si on avait été en amour avec un fraudeur qui nous avait pris notre santé, notre argent, notre foie, notre temps, mais crisse que la maison est vide sans lui. Mais. Le temps arrange les choses, soyez-en certains. On trouve une force à travers la sobriété qu’on ne pensait pas avoir en consommant. On réarrive à marcher avec pas de béquilles. Il faut se faire confiance. Un jour à la fois. Cliché à mort, mais des fois, les clichés continuent de #trender parce que, tsé, ils sont vrais.

À méditer.


* * *



Des tank tops unisexes, des autocollants, par ici.


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