Ou Entre Copernic et Tiktok
Je scrollais l’autre jour sur Tiktok, et, comme cette formidable plateforme se conforme aux moindres de nos intérêts et pensées, beaucoup de contenu que je vois défiler est en lien avec la sobriété. (Cherchez #sobertok, #recovery, etc.) Une vidéo m’a marquée parce qu’elle exprimait un côté plus sombre du rétablissement :
Qu’en est-il quand ça va pas et que tu ne consommes plus ?
Quand ça va bien, ça va bien ! Je me suis peinturée dans le mur de la façon la plus littéraire qui soit avec ce blogue depuis 23 mois où je fais quasiment des alexandrins d’allégresse sur ma sobriété tideli-dé, et grand bien m’en fasse, tsé, car c’est vrai après tout que la sobriété est le terreau fertile de mes joies présentes et futures, mais est-ce que ça peut mal aller, des fois ? Et qu’est-ce qui arrive, à une personne dépendante qui pour X raison, a la baboune triste ?
Est-ce que je mange des sanouitches aux arcs-en-ciel tous les jours et que la formule magique était de couper la boisson ? Ce serait un raccourci narratif. Comment se vivent les désagréments alors ? Pour ma part, il est vrai que j’en ai beaucoup moins qu’avant. Quantitativement, soustraire des problèmes d’ordre financier et de santé physique d’une personne a un impact sur son humeur globale. En des mots plus clairs, la vie goûte meilleur depuis que je suis pu une estie de mottée soûlonne qui passait ses paies et ses nuits dans la boisson. Pas besoin d’être Copernic pour celle-là. Ça a une incidence sur le bonheur du simple humain, tsé.
Mais, si le sevrage puis la sobriété a une incidence sur l’humeur humaine, elle n’est pas totalement magique non plus. J’ai parfois peur de sonner comme une réclame de Pepsodent™️ et je sens des fois l’envie d’être de bonne humeur à ‘cachette tant je frétille, juste parce que. Mais bon. La vidéo. La jeune personne dans son Tiktok et dans les commentaires, d’autres personnes dépendantes aussi faisaient allusion aux pulsions suicidaires qui ne sont pas étrangères à un pan de la communauté des personnes prises avec l’alcoolisme ou la toxicomanie. Après tout, se torcher, n’est-ce pas se tuer un petit peu, plein de petites fois, à des degrés et variations de douleurs et dommages ?
[Lien ici si ça ne s'affiche pas : https://vm.tiktok.com/ZMLLj8jna/]
Se donner la mort par la substance, en une shot ou étalé sur une vie, ça balance dans le lugubre, oui. Et, sans être docteure ici, je pèse mes mots, est-ce que la substance n’est pas une façon de pallier à ces pulsions de mort en-dedans de nous, ou la rage face à l’impuissance d’être pris dans une vie qui nous écoeure ? Une personne dépendante sans substance reste un dépendant, tant qu’à moi. Et même si je ne consomme plus, je reste une dépendante, c’est juste que je me guette, je me watche, je me panse, je me soigne du mieux que je peux.
Mais ces pulsions-là, de mort, de vie. Partiront-elles jamais ? Ai-je la mine basse parfois ? Si le Tiktok m’a brassé par sa fatalité, j’ai dû me rendre compte, que, dans mon cas, les gros bouleversements sont partis parce que j’ai fait des changements dans ma vie, juste avant et pendant ma sobriété. Mais le Titktok a touché une corde sensible et c’est celle de s’avouer misérable, quand n’y a pu rien à blâmer.
Dans mes précédents textes sur la boisson, beaucoup parlent d’impatience. Je ressens ça de même apparemment. Je me suis par le passé même interrogée sur les racines de cette impatience en moi, bien présente avant ma sobriété, mais comme encore plus apparente aujourd’hui. Pas plus importante, je crois, mais elle détonne comme un diable de Tasmanie dans mon esprit maintenant calme comme un lac aux canards, mettons. Je me la remarque plus qu’avant.
L’impatience viendrait de l’incapacité à s’assoir dans l’inconfort du moment présent. À croire que le prochain nanane à souhaiter nous apportera la félicité tant souhaitée. « Quand je vais avoir ci, là, ça va aller » a remplacé « QuAnd jze vA tAv0ir bu m0n quaTorZième vErre, là, ça va t’aller… ».
Et j’en venais à la conclusion que l’impatience viendrait de colères non-exprimées, de cette crainte de l’abandon et du rejet social et patati. Psycho-pop-moi le sac. Mais j’en viendrais plutôt à une autre conclusion aujourd’hui :
Est-ce que c’est d’être impatient ou d’être misérable, cette inéluctable fuite vers l’avant ?
Bien que cordonnière mal chaussée ici, puisque sur une liste d’attente depuis genre un an, j’encourage toute personne qui vit des tourments relatifs à la dépendance à consulter un.e spécialiste de la santé. Je suis chanceuse de surfer sur Tiktok et de trouver un peu de confort en me crossant le cerveau par après, c’est remarquable au niveau du budget versus payer par session, que de se poser des questions tu-seule, et d’avoir la chance de pouvoir en réfléchir les échos virtuels, mais je sais que c’est pas la solution miracle. Mais, crisse, han, c’est déjà ça. Alors mon conseil serait de se regarder au peigne fin et d’écouter d’où viennent nos malaises. Si on ressent une émotion qui dans le passé nous aurait garroché sur la bouteille en écumant le fond de bag de résidus poudreux de coin de rue, chercher la source, demeurer indulgent envers soi, et s’ouvrir aux communautés qui ont forcément vécu la même chose. On est tous spéciaux, mais on n’est pas uniques, Monique. Entre deux nausées, y a la réverbération d’un ou une plus sage, c’est à peu près certain.
Bonne fin de janvier, apparemment c’est le pire mois côté moral. Vortex polaire et tout.
MERCH : De nouveaux gilets unisexes de sobriété s’en viennent sur mon Etsy, surveillez cela, si ça vous le dit !