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Photo du rédacteurCristina Moscini

Le faux portail en vitre brune

 

J’ai vu passer un tiktok d’une femme qui prend une bouteille de vin en se questionnant s’il est trop tôt pour la boire. C’était sur un son trendy et dans un but humoristique. Même si je suis une sobre en rétablissement, je ne suis pas aveugle au procédé comique de vouloir « boire de bonne heure ha-ha-ha ». J’ai longtemps pamphlétisé mon amour du liquide pourcenté, et je ne jurais jadis que sur le psaume Y doit ben être midi quekpart [Évangile selon Sainte-Bière 24:12].

 

Mais ce tiktok m’a replongé dans une nostalgie cauchemardesque de la réalité de mes galères dès l’aube de ma vie d’alors...

 

Qu’arrive t’il vraiment, quand on commence à boire de bonne heure ? Quelle est la liberté qu’on trouve, versus celle qu’on allait y chercher ?

 

D’abord, je me souviens très exactement de pourquoi je voulais me souler le plus tôt possible. Souvent, je traînais sur moi une angoisse telle une odeur de feu de camp qui ne part pas après plusieurs jours. Dans cette angoisse, il y avait aussi pour composer le bouquet, de la colère non-exprimée, de la honte de ma condition et mes choix de vie, et de la peur du futur. Le nachos mental régulier pas d’extra de l’alcoolique moyenne de peu de moyens. Quand par un beau matin j’avais l’occasion de ne pas avoir à être cohérente devant des gens, que j’avais assez de sous pour me payer un gallon de vin avant que les bars ouvrent, je commençais à me célébrer toute seule, fréquemment même sur les effluves des célébrations de la veille.

 

J’étais, après tout, de mon propre aveu, une permachaudaille.

 

Il venait ensuite une excitation presque divine, une fois que j’avais pris la décision de démolir ma journée par gorgées. Comme une enfant qui apprend qu’elle ira à Disney pour Noël, mais il s’agissait là d’un voyage d’un état à l’autre, sans jamais aller nulle part.

 

Je dévissais, pas encore lavée, visage cireux et ventre vide, laissant l’alcool s’enregistrer dans mes gencives sensibles. Et je souriais. La plateforme 9 et ¾ en direction de Pinard – qui est la version avinée de Poudlard, merci – apparaissait devant moi à mesure que je calais mon blanc sec, en garnemente, à l’heure où les en-santé faisaient leur jogging, à l’heure où les employés embarquaient dans leur char avec leur thermos de café en stainless steel.

 

Je ricanais, déjà idiote après les premières gloues, de tous ces lécheurs de botte de l’établissement qui marchaient de pair avec le système. Je n’étais pas de ce bois-là, non môssieur, moi, je me soule parce que j’ai compris de quoi, tsé. Et c’est toute convaincue que je traversais la plateforme, que je passais ce portail en vitre de mon litre, et que j’arrivais de l’autre côté, enfin protégée d’un monde qui me faisait mal aux flancs, à force de me mordre partout où j’étais insécure et affaiblie, de corps, de cœur et d’esprit.

 

Quand on traverse le portail, quand on vit dans l’ivresse, c’est beau tout le temps. On peinture des couleurs pastel par-dessus les coquerelles, on pose des rideaux pour ne pas voir l’échafaud, on monte le volume de la muzak d’ascenseur pour ne pas entendre la misère qui en nous et autour prolifère. Si tu fermes tes yeux et tu respires par la bouche, rien n’est laid, rien ne pue.

 


Et ce buzz-là dure trois, quatre heures, une journée, deux. On finit par convaincre d’autres à nous joindre dans notre carnaval ordinaire, même si on aura quelques heures ou journées d’ébriété d’avance sur eux. Nos mots ramollissent. Notre pensée s’assouplit. Les problèmes, les tracas et la torpeur qui nous avaient poussés à commencer à boire ce matin-là commencent à disparaître loin, loin. Une fois qu’on devient ben paf, un milieu de semaine en après-midi, on se dit, qu’on ne souffre plus du tout. Qu’on a enfin trouvé le secret, d’une existence sans le vinaigre du tourment qui circule dans nos veines.

 

Mais ça ne dure pas.

 

C’était une menterie depuis le départ. Avant même qu’on débouche le premier goulot.

 

Au bout du portail de vitre brune se trouve le début d’une autre journée, une notification de manque de fonds, un avis de retard, des appels manqués, des occasions ratées. Au bout du portail se trouve le même début d’une autre journée, plus pauvre, plus maganée, avec encore moins d’issue de secours. On n’a rien changé.

 

La brasse papillon

 

Le rétablissement se vit comme des longueurs dans une piscine. Apprendre à nager, à balancer notre souffle, à comprendre notre corps, à garder un rythme qu’on peut toffer, sur le long. Je repense à ces évanouissements organisés que je me faisais dans le temps que je buvais, ça n’avait pas grand chose de comique. Au bout de la course, se trouvait moi, seule à nouveau, dépérie, avec un encore plus grand trou à arroser la prochaine fois pour amortir ma chute dans le néant d’une dépendance qui se régalait de me prendre tout même quand je n’avais rien.

 

S’en sortir

 

On a normalisé beaucoup l’alcool dans nos sociétés, ce n’est pas nouveau. Mais on n’a jamais autant parlé de rétablissement, de sobriété qu’en ce moment, et c’est en voie de se développer davantage. Si vous rushez avec votre consommation, trouvez les ressources à proximité, et sachez que ça va pas mal mieux affronter les affres de la vie, quand on n’a pas dix mille verres dans le nez.

 

 

Ressources

 

Je ne suis ni thérapeute, docteure, astronaute, alors je vous encourage vous-même à googler ce qui vous conviendra, voici toutefois quelques ressources qui pourraient être utiles :

 

Beaucoup de trucs sont proposés sur mon blogue dans l'onglet Boisson mais plus récemment ici (pour sortir sans boire) : https://mitsoumagazine.com/mieux-etre/5-trucs-pour-sortir-sans-boire/


Sinon sur mon blogue je suggère ceci :


Questions les plus fréquentes :



Autres communautés en ligne pour connaître toutes les ressources disponibles :

@Wassobre

@Le Sober Club

@Soberlab

 

 

 

Encouragez-moi à subsister

 

Mon livre S’aimer ben paquetée parle de mon cheminement personnel de l’alcoolisme à la sobriété, est disponible en librairie et commande en ligne.

Ma nouvelle pièce, La fameuse Femme-Québec, est aussi en librairie et également jouée sur scène du 29 octobre au 23 novembre au Théâtre La Bordée à Québec.

Pour gratuit, vous pouvez partager les articles de mon blogue sur vos réseaux, aider ainsi à la visibilité algorithmique d’une blogueuse qui placote éperdument du fait qu’elle ne boit plus. Merci ! 

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